Les migrations du Requin pèlerin

Vincent Maliet

La connaissance de la distribution du Requin pèlerin en Méditerranée comme de la structure de sa population est importante, pour mieux assurer la conservation de cette espèce protégée. En Méditerranée, la plupart des observations ont été effectuées au large des côtes de la région occidentale centrale. Des requins pèlerins y ont été capturés au printemps par des filets tramails.

La rencontre d’un requin pèlerin demeure totalement aléatoire dans les eaux de Corse. Sa présence s’affirme néanmoins comme assez régulière sur les côtes insulaires. En 2012 pourtant, les témoignages fortuits ont nettement augmenté. Ceci tient d’abord au fait que les observations réalisées ne faisaient pas l’objet préalablement d’un recensement avant la création de Corsica – Groupe de Recherche sur les Requins de Méditerranée. Des signalements ont été ponctuellement enregistrés par différents chercheurs ou naturalistes.

Beaucoup d’inconnues subsistent sur ce squale, mais il peut être tentant de lier cette occurrence avec une abondance de zooplancton évoluant dans la colonne d’eau, de manière variée selon les saisons mais également suivant un rythme nyctéméral (pics subissant des variations de l’intensité lumineuse et de sa durée sur une période de 24 h, avec influence de la température et inversion des fronts thermiques).

Une étude de ce type a été conduite en Adriatique entre 2000 et 2002. Contre toute idée reçue, il s’avère que la présence accrue de ce requin n’est pas directement influencée par des changements de la température et de la salinité, cependant que les données recueillies suggèrent bien un lien entre la densité des copépodes, particulièrement Calanus helgolandicus. Le krill est également une source alimentaire non négligeable, comme pour les grands cétacés. Une crevette (euphausicé) : Meganyctiphanes norvegica s’observe d’ailleurs ponctuellement sur les côtes en hiver, se distinguant par une coloration rougeâtre (signalée par exemple en mars 2012 dans le golfe du Valinco).  La venue des requins pèlerins dépend de l’abondance de cette nourriture… directement associée au réchauffement des eaux de surface (mais il semble aussi que Calanus helgolandicus constitue un vecteur alimentaire particulièrement important pour l’absorption du naphtalène et autres hydrocarbures dérivés du pétrole).

Calanus helgolandicus

Plus précisément, une étude conduite au sud-ouest de la Grande-Bretagne, entre 1988 et 2001, a montré que l’importance numérique des requins pèlerins est, en pleine-mer, étroitement corrélée à la température des eaux de surface dans le mois qui précède leur arrivée alors qu’elle dépend plus modérément de la densité du zooplancton.

  Meganyctiphanes norvegica © Stephane Jamme

Sous d’autres latitudes, la balise d’un individu marqué au large de San Diego (Californie) en juin 2011 s’est décrochée à Hawaii 8 mois plus tard. Le Pèlerin a donc traversé l’océan sur une distance de 4 000 km. Témoignage intéressant de traversée des mers pour une espèce que l’on pensait totalement côtière. Les déplacements de cette espèce demeurent inconnus en Méditerranée.

Localisations saisonnières des observations de requins pèlerins en Méditerranée, entre 1993 et 2003 (cf. Sources Mancusi et al.).

Ces indications montrent qu’en Corse l’hiver et, plus encore le printemps, constituent les saisons à priori proprices à l’observation et l’étude de ce squale planctonophage.

Corsica – Groupe de Recherche sur les Requins de Méditerranée est engagé dans un programme de suivi et d’étude autour de C. maximus. Hors des eaux littorales insulaires, la zone d’agrégation potentielle correspond au Sanctuaire Pélagos, situé en mer Ligure (Nord Tyrrhénienne) et destiné à assurer la protection des cétacés.

Pour autant, il n’est pas encore clairement établi si les requins pèlerins passent leur vie entière en Méditerranée ou, comme il semble plus probable, si l’on a pour certains individus au moins, migration à travers le détroit de Gibraltar, depuis ou vers l’Atlantique.

Et, comme on ignore par ailleurs encore tout de la reproduction de ce requin (qui pourrait s’opérer à grande profondeur), il importe également de porter une attention particulière aux observations de jeunes sujets dans la partie supérieure de la mer Tyrrhénienne et la partie méridionale de la mer Ligure (un spécimen observé à Saint-Florent en mars 2004).

Sources :

Solodo A., Lucic D., Jardas I. 2008 – Basking shark (Cetorhinus maximus) occurrence in relation to zooplankton abundance in the eastern Adriatic Sea. pp. 103-109 in Cybium, vol. 32, no 2. Société française d’ichtyologie, Paris.

Razouls C., de Bovée F., Kouwenberg J. & Desreumaux N., 2005-2012. – Diversité et répartition géographique chez les Copépodes planctoniques marins. Disponible sur http://copepodes.obs-banyuls.fr  [accédé le 12 mars 2012]

Sims D., Southall E., Tarling G., Metcalfe J., 2005. Habitat-specific normal and reverse diel vertical migration in the plankton-feeding basking shark. pp. 755-761 in Journal of Animal Ecology 74.

Cotton P.-A., Sims D.-W., Fanshawe S.A.M. & Chadwick M.The effects of climate variability on zooplankton and basking shark (Cetorhinus maximus) relative abundance off southwest Britain. pp 151–155, in Fisheries Oceanography vol. 14 (2), mars 2005.

Corner, EDS ; Harris, RP ; Whittle, KJ ; Mackie, PR, 1976 – Hydrocarbons in marine zooplankton and fish.193 p. in Effects of pollutants on aquatic organisms (Soc.Exp.Biol.Seminar Ser.Vol.2).

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