Sous l’impulsion d’un directeur de recherche de l’Orstom, Paul Rancurel, des études ont été réalisées dans les années quatre-vingt en direction d’espèces de grands fonds, dont la croissance est réputée lente et la reproduction faible. « La pêche des requins profonds en Corse […], ne doit pas être considérée comme […] industrielle en elle-même, mais comme une pêche d’appoint », remède partiel d’une pêche artisanale qui s’essouffle. Du moins est-ce là une considération générale, dont les fondements reposent sur des missions antérieurement conduites par ses soins en Nouvelle-Calédonie et aux Nouvelles-Hébrides. Financée par le ministère de la Mer, cette expérimentation repose sur le volontariat de quelques pêcheurs, essentiellement dans le golfe d’Ajaccio.
Trois espèces sont concernées par cette action : le Requin griset (Hexanchus griseus), relativement intéressant et, surtout, le Spinarolu ou Squale chagrin : deux centrophoridés -porteurs d’aiguillon- (Centrophorus granulosus et C. uyato). La problématique visait « à étudier les populations de ces requins, à estimer la densité de leurs populations afin de pouvoir connaître le taux de reproduction et la vitesse de croissance de ces squales, permettant ainsi une gestion rationnelle de ces populations en évitant une pêche trop importante qui risquerait de provoquer la disparition à brève échéance d’une richesse ichtyologique pouvait aider les artisans pêcheurs pendant les périodes difficiles de la pêche traditionnelle ». Quelque deux cents spécimens ont été capturés, à profondeurs variées, de manière à mieux connaître les répartitions par étages et par sexes.
capture et photographie © Philippe Rémillieux
Résidant à Bonifacio, le chercheur aurait souhaité œuvrer dans l’intérêt de la ville (communication personnelle R. Miniconi). Il projette d’y développer une fabrique de produits cosmétiques, fonctionnant en lien avec des usines de Grasse et de Nice. La matière première proviendrait d’huile de foie de requins, finalité de son objectif. L’approvisionnement repose alors sur d’onéreuses importations norvégiennes et japonaises. Le site désaffecté de l’ancienne TSF, au sommet de la vallée de Saint-Julien, semble propice à ce projet qui, finalement, ne voit jamais le jour (communication personnelle Fr. Canonici). Les raisons déterminantes viendraient en partie de ce que les fosses marines où vivent ces squales ne se trouvent pas aux alentours immédiats de la cité. S’ajoute encore le fait que l’utilisation d’appâts rend cette pêche onéreuse quand les captures sont faibles (communication personnelle J. Luci), même si, en deux traits de palangre, trente requins peuvent être capturés. C’était inéluctable : l’aventure tourne court, du fait de la difficulté de la pêche, de l’écoulement de la chair mais aussi des peaux et de l’huile du foie ne concernant que de petites unités de production. Qui plus est, l’écosystème profond possède une biomasse relativement pauvre avec des stocks fragiles et peu renouvelables pour une exploitation durable !
Du 5 au 13 avril avril 1984, le Winnarretta-Singer, navire de recherche du Musée océanographique de Monaco, réalise plusieurs pêches profondes dans le cadre de cette opération. Des lignes sont jetées au large des Sanguinaires, dans la baie de Cargèse, le golfe de Porto et même au nord de l’île.
Pour partie, ce texte est extrait de :
V. Maliet – Petit mémoire corse des monstres marins.
La Corse, 7 avril 1984 article de Paul Silvani en page 3.
Document visuel Archives INA source : Images insolites de pêche au requin dans le golfe d’Ajaccio / Corsica Sera – 19/05/1983.
A lire :
Paul Rancurel – Les requins de profondeur en Méditerranée ; approche d’une nouvelle activité halieutique. Revue de la Fondation Océanographique Paul Ricard n° 7, 1984
Étant donné le faible potentiel de reproduction des espèces de Centrophorus, elles sont très vulnérables à la surexploitation et l’épuisement de leurs populations, même sous une pression de pêche modérée. Par conséquent la prudence extrême doit être exercée avant le développement de toute pêche ciblée. La Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM) – le principal organisme intergouvernemental de décision sur la gestion des pêches en Méditerranée a pris la décision de s’abstenir de développer des opérations de pêche en eau profonde au-delà de la limite de 1.000 m. La décision a été adoptée à la 29ème session de la CGPM qui s’est tenue à Rome en février 2005.