Le danger des raies armées

Les pastenagues et les raies aigles, qui ne sont nullement des animaux agressifs, portent sur la caudale un ou deux aiguillons dentelés pouvant mesurer jusqu’à une trentaine de centimètres chez les plus gros spécimens. Ce embouchure du Cavu à Olmuccio, 3 m, 10 juin 2012 photo Manudard effilé peut facilement entrer dans la peau, tel un couteau dans du beurre, en occasionnant une vilaine plaie. Le venin injecté entraîne immédiatement une douleur très vive, ressentie plus forte encore dans les heures qui suivent (fin août 2014, Andrea Bonfant, pêcheur italien de Ravenne, en a  ressenti les effets une journée durant).
La douleur et le venin peuvent entraîner des malaises allant jusqu’à la perte de connaissance.

Raie pastenague, embouchure du Cavu à Olmuccio. 10 juin 2012
Profondeur : environ 3 m.  Photo Manu

En 2009 Cyril Chauquet, avait ferré une pastenague en mer des Caraïbes. Un pêcheur local le met en garde et casse le dard contenant le poison. Pour montrer à quel point il est acéré,  l’animateur télé de « mordu de la pêche » se picote volontairement la main, face caméra. Le dard pénètre sous la peau et libère son venin. Dans une souffrance instantanée, l’animateur ressent une douleur atroce sans pouvoir ôter l’aiguillon. Cette mésaventure lui a valu, après injection de sérum, une nuit difficile avec fièvre, spasmes et convulsions ainsi qu’une paralysie partielle du côté droit. La récupération prend habituellement de 24 à 48 heures environ.

Si la victime fait une syncope et que vous êtes formés au secourisme, réalisez les premiers gestes et faite le nécessaire pour une évacuation rapide vers les urgences hospitalières. Une possible détresse cardio-respiratoire doit être prise très au sérieux. On ne signale aucun cas mortel en Méditerranée mais le décès, en 2006, de l’Australien Steve Irvin, dont le thorax avait été transpercé, incite à la plus extrême prudence. Au Honduras, plusieurs pêcheurs sont morts également.

Les signes cliniques sont loco-régionaux (douleur intense, syncopale, œdème, nécrose, hémorragies, surinfections), et généraux (hypotension artérielle, troubles du rythme cardiaque, troubles de la conscience).

Aiguillon Pteroplatytrygon violaceaIl est déconseillé de retirer l’aiguillon barbelé d’une raie s’il est profondément enfoncé, au risque de faire plus de dégâts encore en l’extrayant. Par ailleurs, les morceaux du dard peuvent se trouver dans la plaie, il se brise fréquemment lors de l’attaque. Son ablation peut donc nécessiter un acte chirurgical. Les bords des plaies déchiquetés sont très inflammatoires. Outre l’infection, la nécrose est à redouter.

Aiguillon de Pastenague violette (Pteroplatytrygon violacea)

Le venin thermolabile peut être inactivé par la chaleur. Il est donc possible d’immerger la zone atteinte dans de l’eau chaude durant ¼ d’heure à ½ heure (pour ne pas occasionner de brûlure, la température doit être inférieure à 50°C). Cette technique est cependant controversée en raison de la profondeur de la blessure généralement observée. Si aucun soulagement de la douleur n’est obtenu après 5 minutes d’immersion, ne pas prolonger. Si la plaie saigne abondamment, il est préférable de ne pas employer cette technique. On peut aussi approcher l’extrémité d’une cigarette incandescente de la plaie en faisant des va-et-vient jusqu’à quelques millimètres de la peau mais surtout sans toucher pour éviter là aussi les brûlures.

Consultez un médecin ou le service des urgences, qui appliqueront les soins locaux nécessaires et effectueront une surveillance d’évolution de la blessure, avec prescription d’antibiotiques et d’anesthésiants locaux.

D pastinaca, risque blessureLes chaussons néoprène à semelle dure, portées par les plongeurs ou les surfeurs ne confèrent pas une protection absolue. Mais le risque est évidemment supérieur pour les baigneurs.

Au Texas, Glenn Crisp, adepte du longboard, a marché en 2008 sur une raie pastenague dont l’aiguillon lui a piqué le pied gauche. Il a été infecté par une redoutable bactérie pathogène : Vibrio vulnificus, capable de provoquer des gastro-entérites, des infections nécrosantes graves des tissus mous et des septicémies, avec un taux de mortalité élevé. Elle est présente en Méditerranée et peut se rencontrer en eaux saumâtres, dans les étangs et les estuaires, comme dans l’eau de mer en proximité de la côte (Canigral et al., 2009). La victime a consulté très tardivement. Toute la jambe gauche avait enflé, commençant à virer au noir avec une impressionnante douleur lui donnant l’impression que sa jambe allait exploser. On lui a administré un antalgique et un traitement antibiotique. Vibrio vulnificus peut causer une dermatose bulleuse ou, comme ici, des ulcères délabrant. Parmi les autres symptômes, on retient des douleurs abdominales, des vomissements, des diarrhées et, quand la bactérie passe dans le sang (septicémie), des frissons et de la fièvre. Les chances de survie ne seraient alors que de 50%. Au cours de son hospitalisation, le surfeur a subi l’excision des tissus nécrosés du mollet et de la face dorsale du pied par un chirurgien. Il a ensuite bénéficié de greffes de peau. Mais en une semaine l’infection s’est étendue du pied à la hanche, rendant nécessaire une seconde opération pour traiter la cuisse. Il semble toutefois que l’amputation ait été écartée.

N’attendez pas pour vous faire soigner si vous vous faites piquer par une raie armée.

D. pastinaca, 2009 Bastia, photo X

Quand cela arrive, sortez de l’eau et consultez au plus vite, quel que soit votre seuil de résistance à la douleur. Nettoyez et désinfectez correctement la plaie et consultez

immédiatement un médecin. Appelez les urgences en cas de malaise, de fièvre, de frissons ou de vertiges.

Une pratique qui peut se comprendre mais qui peut mettre en péril la survie d’une raie lorsqu’elle est remise à la mer :
l’ablation d’une partie de la caudale par le pêcheur.
Pastenague sur le port de Bastia – Photo X

Bibliographie :

Canigral I., Moreno Y., Alonso J.L., Gonzalez A. & Ferrus M.A. (2009) – Detection of Vibrio vulnificus in seafood, seawater and wastewater samples from a Mediterranean coastal area. Microbiological Research, 2010, vol. 165 (8), p. 657-664 

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