En mer Toscane, on sait la présence du Grand requin blanc (Carcharodon carcharias) assez sporadique mais néanmoins constante. Il constitue un danger potentiel majeur, mais d’autres espèces peuvent aussi être suspectées. Entre 1839 et 2004, les Italiens recensent 43 captures au nord de l’ile d’Elbe, pour trois attaques mortelles.
La première se déroule fin juillet 1928 : à un petit kilomètre de la plage, le docteur Bagolini a vu son embarcation ruinée, sans cause apparente. Tombé à l’eau, il n’a pu regagner un endroit salutaire.
Domenica del Corriere n° 31 ; 29 Luglio 1928
En septembre 1962, évoluant dans les eaux de Circéo (Circée), au sec del Quadro, le chasseur sous-marin Maurizio Sarra est mordu à la jambe gauche, de la cuisse au mollet ; il décède des suites de ses blessures. Un Requin taupe commun a été incriminé, sans certitude absolue ; le Grand blanc semblerait une meilleure hypothèse.
Le 2 février 1989, Luciano Costanzo, agent du port de Piombino (prov. de Livourne, Italie) son fils et un ingénieur Suisse sortent en mer, dans le golfe de Baratti. Le premier se met à l’eau, dans l’intention de photographier des câbles sous-marins en cuivre assurant une liaison entre la Sardaigne, la Corse et la Toscane… et accessoirement de chasser un peu ? Depuis le bateau, les témoins distinguent nettement la silhouette d’un grand requin ; ils assistent à la remontée rapide du plongeur. A deux reprises, ils tentent vainement de lui porter secours. En surface, le squale saisit sa victime sur le côté et disparaît à jamais.
Les recherches ultérieures permettent de retrouver quelques éléments de sa tenue (bouteilles palmes, ceinture de plomb) et quelques viscères. La description donnée par ceux qui ont assisté à ce douloureux évènement ne laisse aucun doute : cet acte prédateur est celui d’un Grand requin blanc (Carcharodon carcharias).
Méconnaissant totalement les mœurs et habitudes de cette espèce, que l’on qualifie à tort de « mangeuse d’Homme », certains tentent de mener une chasse vengeresse, tandis que d’autres, motivés par d’étranges considérations économiques, déploient force stratagèmes pour réfuter la réalité de ce drame tragique.
Nous ne faisons définitivement pas parti du régime habituel des requins.
Si l’on examine l’ensemble des attaques recensées pour la zone septentrionale du bassin occidental de la Méditerranée, il faut évoquer celle qui survient le 2 septembre 1962. Vers 10 h du matin, entre Rome et Naples, sur la côte de San Felice Circeo (prov. de Latina), le plongeur autonome Maurizio Sarra descend à 36 m. Armé d’un harpon, il blesse un mérou qui se débat ; peu après, l’Italien se trouve grièvement mordu à la jambe gauche, au niveau de la cuisse et du mollet. A l’hôpital, l’examen des blessures et de la gaine du couteau de plongée laisse supposer que l’auteur de cette attaque est un Requin taupe commun (Lamna nasus). Serra décède des suites de ces morsures.
En France, mi-août 1986, un Peau bleue (Prionace glauca) serait responsable d’une attaque non fatale dans le golfe du Lion, à Gruissan (Aude) sur la jambe d’un touriste Toulousain qui « rentre de pêche » (Florence Touret -Requins, alerte rouge en Méditerranée, cf. New Look, juillet 1992). On notera que le fichier de recensement officiel des attaques en Méditerranée : MEDSAF, donne l’espèce responsable pour inconnue.
Ces trois victimes avaient en commun la pratique de la chasse sous-marine. Ce sont indiscutablement leurs prises qui ont mis en alerte les sens des requins et sont à l’origine de ces tragiques évènements.
En 1972, à Antibes (Alpes-Maritimes), un nageur pourrait avoir été grièvement blessé à l’épaule. A Propriano, l’année suivante, un baigneur aurait subi le même type d’attaque dans le golfe du Valinco, par un squale non identifié (source : Florence Touret, ref. citée). Les données manquent totalement pour apprécier plus en détail ces cas, non documentés. Rien sur le contexte ni sur l’état de la mer. Il est donc impossible de caractériser ces accidents. La mention relative à l’épisode corse est rapporté, sans plus d’élément, par Xavier Maniguet, auteur de l’ouvrage « Les dents de la mort », parfois controversé pour ses plagiats.
Pour autant, il reste des évènements peu explicables, atypiques sans être exceptionnels. Ainsi en est-il celui qui se déroule en août 1991 dans le Golfe de Gênes, sur Santa Margherita de Ligure. Le canoé d’Ivana Lacaccia est percuté et chavire. Un requin lui frôle la jambe, sans plus de dommage physique mais plante ses dents dans l’embarcation. Quelques instants plus tard, le prédateur en maraude inquiète deux pédalos qu’il suit jusqu’à une douzaine de mètres du rivage. L’identification demeure inconnue, même si les traces de morsures pouvaient constituer de sérieux indices… En Méditerranée, entre 1890 et 1998, les attaques dirigées contre les bateaux sont au nombre de 15.
Le 5 octobre 2011, une attaque assez analogue s’est produite dans l’Océan Indien, au cap de la Houssaye, à La Réunion. Un requin tigre monte sur le flotteur d’une pirogue à balancier et s’en prend par deux fois à la coque principale. Le sportif se défend à coups de pagaye ; il tombe à l’eau à deux milles nautiques de la côte où il reste une dizaine de minutes avant d’être secouru, sans dommage corporel. Le squale n’a pas été revu sur zone. Les témoignages recueillis localement tendraient à accréditer le fait que cet incident était lié à la pêche pratiquée depuis l’embarcation, peu avant l’attaque.
Hormis ces éléments, on ne sait si l’on doit aussi accréditer deux autres attaques, tant manquent les éléments objectifs d’appréciation : un estivant se serait fait mordre sur Nice, entre 1979 et 1981 ; dans les années 50 deux pêcheurs auraient eu les pieds arrachés par un requin. Il est difficile de savoir le fondement de telles rumeurs…
Au total, de 1907 à 2010, on recense officiellement 21 cas pour l’ensemble de la Méditerranée, soit 0,2 attaques en moyenne par an. Le MEDSAF enregistre 61 interactions de 1890 à 1998, précisant que le Grand blanc est responsable de 37 attaques directes sur l’Homme auquel on en ajoute encore, pour un Lamnidé non identifié, 1 ; le Peau bleue est crédité de 3 ; pour d’autres carcharinidés non reconnus, 3 autres attaques ; le Griset (Hexanchus griseus) en détient 1 dans les eaux côtières italiennes.
La dernière attaque connue serait celle enregistrée le 9 juillet 2013 : un touriste belge se baignant en fin d’après midi, vers 18 h à Sant Martí de Empúries (Espagne), village de la Costa Brava situé (commune de L’Escala, Catalogne), semble avoir été saisi de manière superficielle au niveau du coude, alors qu’il se protégeait le visage de la charge d’ un animal d’un mètre environ. On ne peut exclure qu’il s’agisse d’un Requin peau-bleue (Prionace glauca) ; toutefois, l’absence réelle de morsure permet néanmoins d’aborder ce cas avec prudence : il ne s’agit pas forcément cartilagineux, même si l’intéressé en demeure persuadé.
L’animal le plus dangereux de la planète n’est assurément pas le requin.
Au sommet, avec un sinistre record de quelques deux millions de morts par an figurent les… moustiques ! A elles seules, les femelles du Moustique tigre (Aedes albopictus), originaire de l’Asie du sud-est, sont responsables de 20 000 morts annuelles ; l’espèce est présente dans le Sud de la France comme en Corse (source : IRD). Au registre des décès consécutifs à des morsures de serpents, à des piqûres de scorpions et d’insectes, les données mondiales annuelles totalisent 100 000 victimes (source : OMS). Les crocodiles, les éléphants, les grands félins, les hippopotames et même les abeilles sont également à redouter plus sérieusement que les requins. Ces derniers n’arrivent qu’en dixième position, derrière certaines catégories de méduses, susceptibles de provoquer des chocs anaphylactiques fatals pour plus de 100 personnes, même s’il faut prendre en considération qu’une proportion d’attaques mortelles ne sont pas recensées.
La sinistre réputation qui colle à la peau des requins est fortement usurpée ! Ce qui frappe notre imaginaire résulte d’un syndrome de type « Dents de la mer » (« Jaws », en vo.) ; il s’agit d’une fiction. En définitive, l’Homme est le prédateur majeur de la planète. Il accepte mal que d’autres animaux, comme le requin, puissent représenter un danger potentiel. Objectivement, à prendre en considération le nombre de personnes se mettant annuellement à l’eau et la durée de leur séjour dans le milieu marin, on constate d’évidence la faiblesse extrême des risques, tant en Corse que depuis le continent ou la Péninsule italienne.