Qu’est-ce que l’aileronnage (ou « finning ») ?
Ce mot dérive de l’anglais « fin », signifiant « aileron ». Capturé, le requin est remonté sur le bateau de pêche ; on lui coupe à vif ses ailerons. La lourde carcasse est ensuite rejetée à la mer. Désormais incapable de nager, elle tombe sur le fond où l’animal y agonise lentement de suites hémorragiques et d’asphyxie.
Dans un monde où les rapports économiques se fondent sur les rendements les plus rapides, cette pratique est considérée comme particulièrement intéressante, en raison de la grande différence de prix entre les nageoires et la viande de requin.
Les nageoires ont une grande valeur ; elles occupent peu de place, sont faciles à sécher ou à surgeler à bord des navires. La chair a une bien moindre valeur et se révèle difficile à conserver en bon état ; elle nécessite un espace plus conséquent… au détriment de la prise d’espèces plus rentables. Certaines pêcheries ciblent les requins uniquement pour leurs nageoires, mais le finning est également fréquent sur des navires passant de longues périodes en mer. Les requins ne sont pas ciblés, il s’agit de « prises accessoires » (accidentelles), pêchées en grand nombre toutefois. L’éloignement des marchés depuis leurs sites de débarquement s’ajoute au nombre des handicaps.
De nombreux pays interdisent le finning dans leurs eaux nationales mais, sauf exception, les eaux internationales ne sont pas règlementées La pêche au requin se pratique donc quasiment sans aucun contrôle dans toutes les mers et océans du monde. Comme les autres, les pêcheurs de l’Union Européenne ciblent les requins avec peu de limites du nombre de captures. La collecte de données sur la pêche aux requins dans le monde entier fait du reste cruellement défaut.
Avec la mondialisation, une mafia des ailerons s’est développée, brassant le plus d’argent dans le monde juste, après le commerce de la drogue. Partout, des braconniers pratiquent le finning. Les protections mises en place par les états s’avèrent dérisoires et, en l’absence de toute gouvernance, les lois sur les eaux internationales ne protègent pas les requins. Les Galapagos comme les iles Cocos, précieux sanctuaires, subissent de sérieuses pressions.
Interdiction du finning par l’Union européenne
En 2003, un règlement a été adopté visant à interdire le finning (CE n° 1185/2003). De manière générale, les pêcheurs ne peuvent plus couper les nageoires des requins à bord des navires de pêche. Mais ce texte prévoit l’octroie de dérogations. Il s’agit de permettre aux États membres de délivrer des permis de pêche spéciaux, autorisant à certains navires la découpe des nageoires à bord, pour autant que la nécessité en soit justifiée et que l’utilisation de toutes les parties du requin soit prouvée. Actuellement, seuls l’Espagne (avec 200 titres) et le Portugal délivrent de tels permis ; le Royaume-Uni et l’Allemagne ont cessé récemment de le faire pour leurs navires ; la France n’en a pas donné.
Lorsque de telles dérogations sont accordées, les nageoires et les carcasses peuvent être débarquées dans des ports différents et le poids des nageoires débarquées est limité à 5 % du poids vif (ou entier) du requin.
Cela permet toutes les fraudes. C’est pourquoi les ONG environnementales comme Shark Alliance ou Shark Angels militent pour que les squales soient rapportés intacts à terre, où les ailerons pourront être sectionnés. En obligeant les pêcheurs à conserver les carcasses encombrantes, les ONG espèrent ainsi limiter cette pratique désastreuse.
N’oublions jamais : là où les populations de requins sont en bonne santé, la vie marine prolifère ; quand ils sont surexploités, ce sont tous les écosystèmes qui sont déséquilibrés.
Le 22 novembre 2012, après de longues années de discussion, 566 députés européens (sur 629, avec 47 voix contre et 16 abstentions) ont voté en faveur d’un rapport soutenant la proposition de la Commission européenne exigeant que les nageoires soient naturellement attachées pour tous les requins débarqués au port et ce, sans dérogation possible. C’est une avancée majeure, dont le résultat est à mettre en grande partie au crédit de Shark Alliance.
Il reste évidemment d’autres combats à mener. Ce mode de pêche, le plus gaspilleur et totalement injustifiable de brutalité, n’est toutefois pas le seul utilisé pour capturer des requins et se procurer des ailerons. L’objectif final demeure donc une gestion durable et responsable des pêcheries de requins reposant sur des quotas scientifiquement établis et prenant donc en considération la vulnérabilité éventuelle, comme les stratégies de reproduction avec, comme autre préoccupation, un braconnage industriel qui intéresse jusqu’aux « sanctuaires ».